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Zone de libre-échange africaine : « Il est crucial d’accélérer le processus »

Tribune : Malgré le coût généré par l’application de l’accord, les gains seront immenses pour le continent, plaident le président nigérien Mahamadou Issoufou et la diplomate onusienne Vera Songwe.
Dans un an exactement, le démantèlement tarifaire dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) va commencer. Cela définit un nouveau modèle pour le commerce de l’Afrique, ainsi que pour l’ensemble du programme de développement à long terme du continent.


La Zlecaf peut stimuler le commerce, l’industrialisation, la croissance économique et le bien-être des pays africains. Ces gains ne seront toutefois pas automatiques et, comme pour tout autre accord commercial, les pays africains connaîtront sans aucun doute des coûts d’ajustement à court terme.
Tous les pays devront faire face à des coûts directs de mise en œuvre, liés à l’introduction de nouvelles réformes imposées par l’accord et à la modification des recettes tarifaires. Les pays moins diversifiés, comme le Niger, voudront investir dans des politiques complémentaires pour que leurs économies tirent profit de l’accord, ainsi que dans des groupes de soutien qui pourraient être vulnérables aux changements occasionnés par la Zlecaf. Le secteur privé et les ménages peuvent avoir à supporter les coûts liés au réajustement structurel de l’économie qui réagit aux nouvelles opportunités et aux pressions concurrentielles.

Elimination des barrières non tarifaires
Les pertes à court terme ne sont pas une raison pour ne pas aller de l’avant : l’Histoire montre que les gains à long terme de la libéralisation du commerce l’emportent largement sur les coûts d’ajustement à court terme. Au contraire, il est crucial que le processus de la Zlecaf soit accéléré et que la libéralisation des tarifs douaniers et des services ne soit considérée que comme un élément clé d’un programme africain plus large et progressif de commerce et de développement.

La Zlecaf promet un meilleur accès à un marché combiné de 55 pays, de 1,2 milliard de personnes et d’un PIB de 2 500 milliards de dollars (3,8 milliards d’euros). D’autres éléments seront cruciaux pour s’assurer que la Zlecaf soit « conviviale » et que l’accès préférentiel au marché accordé à partir de juillet 2020 se traduise par de réelles opportunités. Quelles sont les pièces manquantes ?
Premièrement, l’accès préférentiel aux marchés est un élément majeur, mais il est encore plus important de réduire les coûts commerciaux non tarifaires auxquels sont confrontées les entreprises africaines importatrices et exportatrices : transport et stockage transfrontaliers inadéquats, taxes commerciales informelles, longues procédures douanières… Ces coûts empêchent les entreprises d’importer les intrants dont elles ont besoin pour être compétitives et réduisent les bénéfices qu’elles tirent de leurs exportations.
Par exemple, en 2015-2016, les Pays-Bas ont exporté plus de 90 000 tonnes d’oignons vers la Côte d’Ivoire. Or le Niger est un important producteur d’oignons et constitue un marché beaucoup plus proche de la Côte d’Ivoire au sein de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Mais, en raison des barrières non tarifaires, les oignons nigériens sur le marché ivoirien peuvent coûter le double du prix des oignons néerlandais. Il faut accélérer la mise en œuvre du mécanisme de la Zlecaf prévoyant le suivi, la notification et l’élimination des barrières non tarifaires, ainsi que des mesures complémentaires de facilitation du commerce et de coopération douanière.
Deuxièmement, il est impératif que les questions en suspens concernant les règles d’origine soient réglées d’ici à la fin de l’année. Il s’agit là d’un élément fondamental de tout accord commercial. Toutefois, des règles d’origine strictes peuvent s’avérer particulièrement lourdes pour les micro, petites et moyennes entreprises. Un manuel des règles d’origine aiderait à guider les entreprises sur la manière de bénéficier des préférences commerciales.
Troisièmement, il n’est pas possible de participer au commerce sans respecter certaines normes et exigences techniques. Par exemple, le bétail contribue à plus de 10 % du PIB du Niger, mais le pays a eu du mal à exporter des viandes transformées vers son voisin nigérian en raison de capacités insuffisantes pour satisfaire aux exigences de certification. Au lieu de cela, le Nigeria importe principalement des viandes transformées du Brésil, de l’Union européenne et de l’Afrique du Sud. La Zlecaf devrait servir de plate-forme pour la coopération continentale en matière d’infrastructures de qualité. Dans le même temps, les normes et les exigences techniques imposent des coûts commerciaux disproportionnés aux exportations des pays à faible revenu, qui sont également plus susceptibles de dépendre des exportations agricoles. Cela exige des programmes ciblés de renforcement des capacités.
Etendre les avantages aux petits
Quatrièmement, les régimes commerciaux simplifiés dans les communautés économiques telles que le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (Comesa) et la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) ont contribué à faciliter le commerce transfrontalier à petite échelle. Cela comprend des certificats d’origine simplifiés, des listes communes de marchandises, des documents douaniers et de l’aide pour faciliter les procédures de dédouanement. Un régime commercial simplifié à l’échelle continentale sera nécessaire pour étendre aux petits commerçants les avantages d’une plus grande libéralisation des échanges dans le cadre de la Zlecaf.
Enfin, et c’est crucial, des financements doivent être mis à disposition pour garantir que les opportunités de la Zlecaf soient pleinement exploitées. Simultanément, des fonds d’ajustement seront nécessaires pour faire en sorte que tous les pays africains puissent établir une voie personnalisée afin de bénéficier de l’accord, et compenser tout choc à court terme résultant de sa mise en œuvre. La facilité d’ajustement de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank), notamment, contribuera dans une certaine mesure à dégager les financements à court et moyen terme nécessaires pour relever les défis qui se poseront.
Nelson Mandela a dit un jour : « Cela semble toujours impossible jusqu’à ce que ce soit fait. » L’Afrique prouve que l’impossible est possible. La mise en œuvre de l’accord portant création de la Zlecaf sera difficile et les avantages ne se feront pas sentir du jour au lendemain. Mais c’est un projet à long terme qui en vaudra la peine. Nous ne devons pas abandonner maintenant. Les générations à venir seront reconnaissantes du jour où cette zone est entrée en vigueur et a ouvert la voie à une Afrique unie et prospère.
Mahamadou Issoufou, président de la République du Niger, et Vera Songwe, secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies.

Mahamadou Issoufou et Vera Songwe

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