C’est l’histoire d’une petite fille partit à la cherche de son papa disparu à l’âge de 61 ans dans un accident de voiture en 1993. Elle avait la soif de connaitre son papa, vingt-trois ans après sa mort. La petite fille ne cesse d’apprendre sur son père qui lui paraissait au fil de temps et des témoignages, un parfait étranger. Bouillonnante d’idées représentatives de ce que pouvait être son papa, elle se lance sur les traces de Mamani Abdoulaye. ‘‘Ce film est pour moi une quête d’un père que je n’avais pas vraiment connu. Je voulais faire découvrir aux nigériens, qui est véritablement Mamani Abdoulaye au-delà de son roman Saraounia’’. C’est à un challenge que nous invite Amina Mamani Abdoulaye dans un documentaire long métrage d’un peu plus d’heure d’horloge qu’elle qualifie ‘’d’une petite histoire’’ qui s’avèrera à la fin du documentaire, ‘‘une grande histoire’’.
Dans une salle archicomble de l’opéra d’espace Blue Zone, l’émotion était inestimable tant par le parcours de l’homme (rendu vivant à travers ses compagnons et proches amis) que par la présence à cette projection, de ses camarades (Sawaba) et adversaires politiques (PPN-RDA).
‘‘…..notre tonton du quartier’’
Jusqu’à sa mort, nous ne connaissons que le tonton du quartier, dont la modestie est sans commune mesure. L’homme politique, le bouillon syndicaliste qui lutte sans répit pour les intérêts des peuples, a laissé place à l’homme des lettres, de culture, qui consacrait le peu de temps qu’il avait à sa famille, aux étudiants et aux chercheurs venus à sa rencontre. J’ai encore à l’esprit l’emplacement, dans le salon, de la machine à écrire qu’utilisait Mamani Abdoulaye. Un outil à écrire, aujourd’hui remplacé par l’ordinateur dans l’usage.
Nous avions découvert un homme dont la vie privée, si elle n’est pas simplifiée, s’effaçait devant celle publique. Le travail de recherche menée par sa fille avec la plus grande modestie, nous présente un tout autre personnage loin de l’écrivain, de l’homme des lettres que nous avions connu à travers le célèbre ouvrage Saraounia. Venu me rappeler de l’histoire du tonton que j’ai connu, à la fin du documentaire, je me suis retrouvé avec une autre histoire d’une grande figure politique, intellectuelle qu’on est sensée trouver dans les livres d’histoire du Niger.
L’écrivain Dominique Penel nous dira que l’ouvrage Saraounia est la transcription du combat, tant syndical (un des pionniers de l’Union Général des Travailleurs d'Afrique Noire-UGTAN), que politique de Mamani Abdoulaye (député élu de Zinder à vingt-cinq ans au titre du l'UDN Sawaba). L’homme politique, le meneur d’hommes plein d’espoir pour son pays est très peu connu de l’histoire officielle du Niger. En 1956, il est ensuite désigné représentant du Niger au Grand Conseil de l’Afrique Occidentale Française (AOF) à Dakar.
A travers l’impressionnant travail de recherche documentaire d’une dizaine d’années, Amina ne nous a pas mis sur les traces de son papa, mais nous a conduit à lui. Nous découvrons qu’il est désormais vivant à travers son combat des peuples, celui de la justice, de la liberté et de la restauration de l’histoire.
Mieux, la petite histoire de Amina ouvre la voie à la grande histoire. Celle de poser les débats sur la personnalité politique que fut son père mais aussi, de regarder dans les rétroviseurs de l’histoire coloniale du Niger. Une histoire que Mamani Abdoulaye ne cesse d’interroger dans sa robe de cinéaste peu connu, de journaliste et d’écrivain engagé pour la liberté des peuples et l’indépendance du Niger et celle de l’Afrique.
Le documentaire pose la problématique de l’histoire des peuples noires racontés par les noires. La petite histoire de la petite fille est une invite pour la réhabilitation d’un pan de l’histoire politique du Niger.
Mamane Jahrou