Hebdomadaire Nigérien d'Analyses et d'Informations Générales

Dans les rangs des forces de défense et de sécurité tout comme celui des civils, les victimes du terrorisme sont majoritairement des hommes. Des chefs de familles qui meurent, laissant derrière eux des femmes et orphelins. Enquête dans la vie des familles des victimes l’extrémisme violent.

La vie n’a plus de sens pour des nombreuses femmes, veuves des soldats tués au front. Une vie mêlée à l’ignorance de leurs droits et aux énormes défis qui se posent à celles-ci.
Tillaberi, situé à 130 km de Niamey à l'ouest du Niger. C'est ici que Vie Salama 38ans, mère de deux enfants. Elle a perdu son mari, un lieutenant de la garde Nationale tué à Bosso, localité située dans la région de Diffa au sud-est du pays, suite à une attaque terroriste en février 2016.
"Nous étions à Diffa quand il a été affecté à Bosso. Il était juste partie pour une prise de service quand l'attaque a eu lieu, nous avons appris la triste nouvelle", se rappelle Salama le cœur serré.
Foureta 35ans, vivait à Ayorou avec ses 4 enfants aux côtés de sa mère Kadidja et Aminata coépouse de sa mère. Mais elle et sa famille y ont trouvé refuge, après avoir abandonné leur village, Agueye-peulh, situé dans la commune rurale de Inates à 55 kilomètres de Ayorou.
Le 18 mai 2018, Le village d’Agueye-peulh a été la cible d'une attaque par des individus armés, faisant 17 hommes tués. Parmi ces morts, il y a le mari de Foureta et celui de Kadidja et Aminata. Kadidja se souvient encore de ce moment dramatique: "Les bandits sont venus sur des motos alors que les hommes étaient la mosquée pour la prière de 16h. Ils ont commencé par mettre le feu à nos cases, ensuite ils sont partis à la mosquée tirant des bales sur les hommes. Ils criaient il n'y a de Dieu qu'Allah....." Les populations ont décidé dès le lendemain de ce drame.
Seulement 100 kilomètres séparent la ville d’Ayorou de la frontière malienne. Elle est exposé à plusieures menaces terrorists, sans doute du fait de sa situation géographique. Le département est sous la mesure d’état d'urgence depuis mars 2017.
De mai à septembre 2018, la commune de Inates a enregistré à elle seule, 72 hommes tués et enlevés. Cette insécurité a fait 14.000 personnes déplacées internes dont 8.223 femmes soit 60% de l'effectif, selon Souley RAYI un élu de la Commune d'Inates. Des femmes qui avec des enfants laissant derrière elles tout leur bien.
Foureta, Kadidja Aminata et leur enfants vivent sous la responsabilité de Yahaya, un de leur parents qui vit à Ayorou. Pour les nourrir, Yahaya travail dure: "J'ai a peu près 40 personnes sous ma charge. En période de récolte des céréales, je pars dans les champs aider les propriétaires qui me payent avec du mil.
Yahaya et beaucoup d’autres personnes ont connaissance de l’existence d’une loi qui prévoit “l’indemnisation des familles des civils victimes de conflit armé”. Mais vers qui “ces familles iront pour être indemnisées, d'autant plus que l'extrémiste, ici le terroriste, n'est pas assez solvable pour exiger de lui des dommages et intérêts pour la veuve et orphelins”, explique Mr Barry Bibata GNANDOU Avocate au barreau de Niamey.
Face à cette insolvabilité et ne sachant plus à quell saint se vouer, des veuves comme Salama tentent des petites commerces. De son statut de l'épouse d'un lieutenant de la garde Nationale, elle est aujourd'hui vendeuse de frites de patate douce sur une rue de la ville de Tillabéri. C'est l'activité qu'elle mène pour se prendre en charge, elle et ses enfants.
En lien avec la fonction de son mari, Salamata ne perçoit que la pension des enfants qui de cent-quarante mille deux cent francs CFA (141.200fcfa) le trimester, soit moins de cinquante mille francs CFA (50.000) le mois. Elle dit ne pas bénéficier pas d’un droit lié à son veuvage:" j'entends seulement parler de prise en charge mais je ne jamais bénéficié d’un droit quelconque, ni moi ni mes enfants. Depuis la mort de leur père, c'est moi même qui paye les soins de mes enfants" explique Salama les yeux remplis de larmes.
Pourtant, la loi a prévu des indemnisations pour les familles des militaires morts en service commandé. Selon Me Ali KADRI, avocat au tribunal de grande instance de Niamey, il existe deux catégories d'indemnisation: “D'abord le capital décès qui est calculé en fonction du revenu et du salaire du militaire. Ce capital décès doit être versé directement aux veuves et veufs de ce militaires. Il y'a ensuite les droits octroyés et versés. Ici, l'Etat réconstruit la carrière de la personne et verse une indemnité proportionnelle à la reconstitution de la carrière”.
En plus de tout çà, un décret présidentiel daté de 23 juin 2013, a prévu l'octroi de certains avantages aux veuves, veufs et orphelins des militaires. Notamment des frais supplémentaires à l'occasion des fêtes ou encore l'inscription sans concours au Prytanée militaires pour les orphelins qui le désirent. Salama ne bénéficie pas de tout ceci.
Pour savoir l'effectivité de l'application de ces textes, nous avons contacté l'association des veuves des militaires morts en service commandé. Au début la présidente a manifesté sa volonté de répondre à nos questions. Ensuite, elle ne répond plus à nos appels. Les quelques membres de nous avions appelé individuellement disent avoir peur d’évoquer le sujet même sous couvert d'anonymat.
Notre correspondance au service de l'assistanat social de l'armée est restée lettre morte. “Nous avons l'obligation de reserve” confie la responsable de l'assistanat social des armées. Dans un corps comme celui de l’armée, le surnom de grande muette où le silence est la règle. Pourtant de l'aveu même d'un agent du contentieux de l'état, son service a enregistré beaucoup de plaintes sans préciser le nombre exact de cas. Des familles qui ont tenté des actions en justice contre l'État pour bénéficier des avantages que leur confère la loi en la matière.
La vie de ces femmes, qu'elles soient veuves de civils ou de militaires, a certe été épargnée par les assassins de leur maris. Mais les séquelles et les dégâts causés par la perte de leur proches restent sont encore visibles. Salamata qui a connu une vie meilleure du vivant du vivant de son mari se voit obliger de vendre des frites. Quant à Foureta Kadidja et Aminata désorientées, ells attendent des lendemains meilleurs. Combien de temps pourront-elles continuer à vivre de la pitié et la solidarité des autres? Pour elles désormais vivre une vie digne est plus qu'un défi, c'est un sacerdoce.
Bouli Adamou Idé

 

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